- Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l'esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite. Ce sont des jeux ; il faut d'abord répondre. (loc. 118-20)
- Il existe un fait d'évidence qui semble tout à fait moral, c'est qu'un homme est toujours la proie de ses vérités. Une fois reconnues, il ne saurait s'en détacher. Il faut bien payer un peu. Un homme devenu conscient de l'absurde lui est lié pour jamais. (loc. 470-72)
- L'important, disait l'abbé Galiani à Mme d'Epinay, n'est pas de guérir, mais de vivre avec ses maux. (loc. 551-52)
- Mais si je reconnais les limites de la raison, je ne la nie pas pour autant, reconnaissant ses pouvoirs relatifs. Je veux seulement me tenir dans ce chemin moyen où l'intelligence peut rester claire. (loc. 569-71)
- Ce cri n'a pas de quoi arrêter l'homme absurde. Chercher ce qui est vrai n'est pas chercher ce qui est souhaitable. Si pour échapper à la question angoissée : « Que serait donc la vie ? » il faut comme l'âne se nourrir des roses de l'illusion, plutôt que de se résigner au mensonge, l'esprit absurde préfère adopter sans trembler la réponse de Kierkegaard : « le désespoir ». Tout bien considéré, une âme déterminée s'en arrangera toujours. (loc. 582-85)
- C'est qu'en vérité le chemin importe peu, la volonté d'arriver suffit à tout. (loc. 660-61)
- Mon raisonnement veut être fidèle à l'évidence qui l'a éveillé. Cette évidence, c'est l'absurde. C'est ce divorce entre l'esprit qui désire et le monde qui déçoit, ma nostalgie d'unité, cet univers dispersé et la contradiction qui les enchaîne. (loc. 682-84)
- L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte. Elle est un confrontement perpétuel de l'homme et de sa propre obscurité. Elle est exigence d'une impossible transparence. Elle remet le monde en question à chacune de ses secondes. De même que le danger fournit à l'homme l'irremplaçable occasion de la saisir, de même la révolte métaphysique étend la conscience tout le long de l'expérience. Elle est cette présence constante de l'homme à lui-même. Elle n'est pas aspiration, elle est sans espoir. Cette révolte n'est que l'assurance d'un destin écrasant, moins la résignation qui devrait l’accompagner. (loc. 735-39)
- Car devant Dieu, il y a moins un problème de la liberté qu'un problème du mal. On connaît l'alternative : ou nous ne sommes pas libres et Dieu tout-puissant est responsable du mal. Ou nous sommes libres et responsables mais Dieu n'est pas tout-puissant. Toutes les subtilités d'écoles n'ont rien ajouté ni soustrait au tranchant de ce paradoxe. (loc. 763-66)
- La mort est là comme seule réalité. Après elle, les jeux sont faits. (loc. 778)
- Il vient toujours un temps où il faut choisir entre la contemplation et l'action. Cela s'appelle devenir un homme. Ces déchirements sont affreux. (loc. 1119-20)
- À cet égard, la joie absurde par excellence, c'est la création. « L'art et rien que l'art, dit Nietzsche, nous avons l'art pour ne point mourir de la vérité. » (loc. 1205-6)
- Créer, c'est vivre deux fois. (loc. 1209-10)
- La fécondité et la grandeur d'un genre se mesurent souvent au déchet qui s'y trouve. Le nombre de mauvais romans ne doit pas faire oublier la grandeur des meilleurs. (loc. 1278-80)
- « L'homme n'a fait qu'inventer Dieu pour ne pas se tuer. Voilà le résumé de l'histoire universelle jusqu'à ce moment. » (loc. 1793-94)
- Il y a dans la condition humaine, c'est le lieu commun de toutes les littératures, une absurdité fondamentale en même temps qu'une implacable grandeur. (loc. 1607-8)
- Mais si je sais cela, si je peux aussi l'admirer, je sais aussi que je ne cherche pas ce qui est universel, mais ce qui est vrai. Les deux peuvent ne pas coïncider. (loc. 1717-19)